Et si vous passiez un week-end à Paris ?
48 heures dans la Ville Lumière avec Adam Hay-Nicholls et le directeur du Guide Michelin
« Paris est une fête. » Pour vérifier si cette célèbre phrase d’Ernest Hemingway est toujours d’actualité, j’ai testé pendant deux jours les meilleurs hôtels et restaurants de la capitale française. Pour m’accompagner, qui mieux qu’un expert de la gastronomie, généralement très discret dans les médias : Gwendal Poullennec, directeur du Guide Michelin ?
Le premier soir, je pose mes valises au Château Voltaire. Ancien siège de Zadig&Voltaire, cet hôtel niché entre le Louvre et l’Opéra de Paris appartient toujours à la marque de mode française. On y reconnaît d’ailleurs la patte de son fondateur, Thierry Gillier, adepte du Chateau Marmont de Los Angeles et du Chiltern Firehouse de Londres : dans une ambiance tamisée, les sièges en velours à franges côtoient des meubles en bois et un carrelage métro. La moquette cosy et les carnets à l’effigie de la marque délicatement déposés sur les tables de chevet transforment les 32 chambres de cet établissement en véritables cocons.
Pour le dîner, Gwendal Poullennec me fait découvrir un lieu beaucoup moins discret, qui est l’une des trois adresses les plus prestigieuses de la capitale : l’Hôtel de Crillon, comptant une clientèle célèbre comme Taylor Swift. Particularité de son restaurant gastronomique, l’Écrin, l’équipe en cuisine élabore votre menu en fonction des boissons que vous choisissez.
Le choix, justement, est vertigineux : Xavier Thuizat (meilleur sommelier de France) et le chef Boris Campanella ont sélectionné pas moins de 2 300 vins, auxquels s’ajoutent d’autres breuvages. Dans une salle privatisée pour l’occasion, notre table de 16 convives déguste des menus en sept séquences : le crabe-araignée et le caviar accompagnés de saké IWA 5, une quiche aux cèpes arrosée d’un thé auquel seuls les ministres chinois peuvent habituellement prétendre, un homard et du wagyu aux saveurs époustouflantes, servis à la perfection avec un Côte-Rôtie 2016 « La Germine », du domaine Duclaux dans le Rhône. Enfin, n’oublions pas un délicieux dessert au chocolat, sublimé par le vin préféré de Cléopâtre : un Commandaria Saint Barnabas en provenance de Chypre.
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Il faut dire que Gwendal Poullennec est passé maître dans le choix des menus. Du haut de ses 44 ans, cet homme grand à la barbe taillée avec soin, en costume-cravate ajusté, dirige le Guide Michelin depuis 2018, point d’orgue de sa carrière depuis la fin de ses études en école de commerce en 2004. Il aime à plaisanter : « 20 ans que je travaille pour Michelin et pas une seule fois, je n’ai changé un pneu ! »
C’est sa manière de nous rappeler qu’à sa création en 1900, le « Guide Rouge » était pensé pour accompagner les automobilistes dans leurs périples sur les routes de France (activité alors toute nouvelle), en sachant que l’idée était de faire de la pub pour les pneus Michelin. Depuis, le guide et ses étoiles tant convoitées ont conquis une quarantaine de pays dans le monde entier. Au sein même de l’entreprise Michelin, le célèbre guide est traité avec déférence. Les inspecteurs et leurs méthodes de travail restent un secret bien gardé.
Depuis une quinzaine d’années, le Guide se veut plus audacieux, récompensant des jeunes chefs à la cuisine originale, quitte à laisser de côté des grands noms de la gastronomie française, en s’efforçant toutefois de ne blesser personne. Comme me le confie un bras droit de Gwendal Poullennec, il n’est pas rare que des chefs déchus expriment ouvertement leur désarroi auprès de Michelin.
Le Guide Michelin parvient ainsi à se débarrasser de son image de publication désuète et prétentieuse. Autre signe de sa modernisation, il existe désormais aussi sous la forme d’une application mobile, qui permet de réserver une table dans le restaurant de votre choix. Parallèlement à ces efforts pour s’ancrer dans son époque, le Guide peine à protéger son indépendance éditoriale.
Revenons-en à nos moutons culinaires... Le lendemain midi, c’est dans le quartier du Marais que le chef Grégory Garimbay nous accueille, dans l’Auberge Nicolas Flamel. Plus ancienne auberge de Paris, ce restaurant est installé dans un immeuble de 1407, qui contraste avec la modernité et l’esprit d’innovation de son équipe. De son menu en sept temps, je retiens particulièrement le meilleur poulet rôti qu’il m’ait été donné de goûter, avec sa salade romaine grillée, son bacon et Ses anchois.
Autour d’un sauternes 1994 à la robe dorée, Gwendal Poullennec m’en dit plus sur la vie de ses inspecteurs, dont il ne me dévoilera pas le nombre exact. « Ils représentent 25 nationalités et sont des salariés de Michelin ; ce ne sont pas des freelances. En moyenne, ils mangent 300 fois par an au restaurant. Ils sont en déplacement 100 à 150 nuits par an. Ils sont issus des secteurs de l’alimentation, des boissons et de l’hôtellerie, et seul leur cercle intime connaît leur métier. Leur anonymat est primordial. Chefs, directeurs de restaurants, directeurs d’hôtels, sommeliers : les profils sont très divers. »
Contrairement aux influenceurs et à d’autres sites Internet, Michelin ne se fait pas offrir les repas. Quand on voit le prix parfois exorbitant des menus et des vins, quelle est la note la plus salée jamais envoyée à l’entreprise ? « Les sommes que j’approuve se comptent en millions », me confirme le directeur.
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Mes bagages arrivent avant moi à l’hôtel le plus sexy du moment : Les Bains. La dernière fois que j’ai fréquenté cet établissement, il s’appelait encore Les Bains Douches et ce n’était pas un hôtel, mais une boîte de nuit, dont le sous-sol abritait une piscine. Cette dernière est toujours là, mais on n’y trouve plus des mannequins en train de danser jusqu’au bout de la nuit (en tout cas pas à 16h, un mercredi après-midi). La boîte de nuit continue d’ouvrir ses portes tous les week-ends, pour les clubbeurs de la « haute société ». En son temps, ce lieu a aussi programmé des grands noms du post-punk et de la new wave, comme Joy Division, Simple Minds, les Psychedelic Furs et Echo and the Bunnymen. Dans les années 1980, ce sont les David Bowie, Andy Warhol, Grace Jones, Jean-Michel Basquiat et autres Yves Saint Laurent qui fréquentaient ces murs. Murs sur lesquels le New-Yorkais Futura 2000 (l’un des tout premiers graffeurs, contemporain de Basquiat) a laissé son empreinte, dans le restaurant du rez-de-chaussée.
À la fois chic et bohème, ma chambre est meublée dans un style des années 1970, complété par une lampe de chevet rouge des plus suggestives. Loin des critères originaux de praticité, les hôtels inscrits au Guide Michelin doivent désormais répondre à des exigences plus strictes, qui seront prochainement récompensées par des « clés » Michelin (un peu comme les étoiles pour les restaurants). Si le fonctionnement de ce système prévu pour 2024 n’a pas encore été dévoilé, Gwendal Pollennec me décrit malgré tout le travail d’évaluation de ses équipes dans les grandes lignes...
« L’hôtel doit être une adresse intéressante en soi et il doit être ancré dans la culture locale. Par exemple, ici, aux Bains, nous sommes à deux pas de l’auberge Nicolas Flamel, mais aussi des vendeurs de falafels du quartier. Notre guide ne récompensera pas les ressorts tout compris. Notre objectif, c’est que les voyageurs partent à la découverte de la culture locale. Nous examinons l’architecture, la décoration, la qualité du service et le rapport qualité-prix. L’authenticité est un must. Les hôtels doivent avoir une touche très personnelle ; ils doivent raconter une histoire et être mémorables. Les établissements que nous avons récompensés sont très divers, y compris en gamme et en ambiance (design ou plus traditionnelle). Mais tous ont un truc en plus. »
À l’ère des influenceurs autoproclamés, rémunérés par les hôtels en échange de leurs bonnes critiques, les guides indépendants sont plus que jamais essentiels pour aider les voyageurs intrépides à s’y retrouver parmi la foule d’hôtels et de restaurants disponibles. Pour le gastronome globe-trotter invétéré que je suis, le Guide Michelin reste l’ouvrage le plus fiable, quelles que soient vos envies : de la street-food la plus tendance aux trouvailles de caractère qui vous laisseront un souvenir impérissable.
Envie d’un séjour à Paris ? N’hésitez pas à contacter la division Voyages d’ACS à l’adresse info@thetraveldivision.com ou sur thetraveldivision.com
Crédit photo :
Photo 1 : Les Bains-Douches
Photo 2 : Hôtel de Crillon
Photo 3 : Les Bains-Douches
Photo 4 : Château Voltaire